Saturday 18 April 2009

Doryanthes excelsa 1865


DORYANTHES EXCELSA, Correa (Pl. IX).
Le nom générique Doryanthes fait allusion aux fleur-s (anthos) disposées en une grosse inflorescence capitulée, terminant une longue hampe qui ressemble à une sorte d'épieu (en grec dory). La plante qui porte ce nom est remarquable par son port et par ses feuilles qui rappellent tout à fait certain Yucca, et plus particulièrement le Yucca treculeana. Toutes les feuilles, en effet, au nombre déplus d'un cent, sont radicales, insérées autour d'une tige très-raccourcie, et s'écartant du centre, à la manière d'une gerbe de feu d'artifice. Elles sont ensiformes, c'est-à-dire en forme de large glaive, longues de 2 mètres et plus, et la partie la plus large est de 10 centimètres; une grosse nervure la parcourt dans toute sa longueur, mais elle n'est apparente qu'à la face externe, car la face interne ou supérieure est parfaitement plane et unie ; cette nervure s'épaissit insensiblement du sommet à la base où elle forme une sorte de pétiole large de -4 à 5 centimètres, s'élargissant ensuite inférieurement pour constituer une plus large surface d'insertion; les bords sont entiers, parfois lisérés de brun, et la couleur générale est un beau vert gai luisant ou un peu glauque.
Du centre de cette touffe de feuilles s'élève une hampe cylindrico-conique, haute de 3 à 4 mètres et de 8 à 10 centimètres de diamètre à la base; elle est garnie de feuilles avortées, engaînantes, longues de 25 à 30 centimètres : pendant la première période de son élongation, cette hampe présente les charactères extérieurs d'une asperge, et qu'on me passe la comparaison, on pourrait la prendre pour une asperge colossale.
C'est au sommet de cette hampe, tout à fait à l'extremité, que naissant les fleurs, d'un magnifique cramoisi brilliant, rassemblées en grand nombre, en un sorte de capitule globuleux, qui ne mesure pas moins de 50 centimètres de diamètre ou 1 mètre 50 de circonférence ; ces fleurs sont groupées par 2, 3 ou 4, en espèces de fasicules séparés par de belles bractées rouges. Chaque fleur, accompagnée, en outre, de deux autres bractées plus petites, mais de même couleur, est tubuleuse, en entonnoir à son base, large de 15 à 20 centimètres, à 6 divisions oblongues obuses mucronées, étalées, puis réfléchies ; les étamines, ao nombre de 6, ont les filets adhérents au tube de l'enveloppe florale, arqués, subulés dans la partie libre et terminés par une grosse anthère dressée d'où s'échappe un pollen jaune verdâtre. L'ovaire est infère à 3 loges, surmonté d'un style à 3 sillons et terminé par un stigmate trilobé.
Cette magnifique plante, originaire de la région orientale de l'Australie, a fleuri l'hiver dernier dans les serres du Muséum de Paris, et c'est la seconde fois que cette espèce montre ses belles fleurs en Europe. La première floraison a eu lieu en 1814, en Angleterre, dans les serres chaudes de M. Charles Long, de Browlez-Hill [sic. read Bromley-Hill], province de Kent, et elle a présenté ce singulier phénomène : la hampe florale, qui avait commencé à se montrer dès l'été de 1813, cessa de s'allonger pendant l'hiver, et elle ne reprit son évolution qu'au printemps de l'année suivant, pour atteindre au terme de son développement, au mois de juillet seulement; ce n'est, en effet, qu'à cette époque que le Doryanthes de M. Charles Long commença à épanouir ses premières fleurs.
Le sujet qui vient de fleurir au Jardin des plantes de Paris n'a pas présenté les mêmes phénomènes d'évolution. Sa hampe, qui s'est montrée vers la fin de l'été, n'a subi aucun temps d'arrèt dans son élongation, et c'est au mois de mars que les premières fleurs ont apparu.
Actuellement, ses feuilles commencent à jaunir, et dans quelques semaines, quand les fruit auront atteint leur dernier dégré de maturité, de cette belle touffe de feuilles qui ne couvre pas moins de 5 mètres de diamètre, il ne restera plus rien. Les Doryanthes sont, comme les Agaves, des végétaux monocarpes, c'est-à-dire que chaque individu ne produit qu'une fois des fruits : il meurt aussitôt après sa fructification. Mais il peut donners des rejetons de sa souche, pour perpétuer l'espèce, et les graines qu'il produit permettent de le multiplier facilement.
Le Doryanthes excelsa est de serre chaude ou de bonne serre tempérée ; il aime beaucoup l'air et demande un sol substantiel bien drainé.
O. LESCUYER
L'Horticulteur français de mil huit cent cinquante et un
JOURNAL des amateurs et des intérêts horticoles
rédigé par F. Henicq
Attaché au Muséum d'histoire naturelle de Paris
Année de1865
pp. 136-139

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