Thursday 26 February 2009

Jardin d'acclimatation à Hamma (Alger) 1863

NOTE

SUR LA SITUATION DES DERNIÈRES PLANTATIONS

D'ESPÈCES LIGNEUSES EXOTIQUES

AU JARDIN D'ACCLIMATATION A ALGER,

Par M. HARDY,

Directeur du jardin d'acclimatation du gouvernement, ù Hanima (Alger).

(Séance du 2 octobre i863.)

Les essais partiels d'acclimatation de végétaux ligneux, originaires de contrées analogues à l'Algérie ou de régions plus rapprochées de l'équateur, entrepris depuis un certain nombre d'années, ayant produit des résultats satisfaisants, on a résolu de donner plus d'extension à ces essais, et de distribuer ces nouvelles plantations composées d'espèces étrangères, d'après un plan méthodique, de façon à former des espèces d'écoles utiles et instructives à différents points de vue.

Dans l'organisation de ces écoles, voici l'ordre que j'ai adopté. L'établissement présente diverses conditions de sol, d'exposition et d'altitude qui sont mises à profit. Les végétaux qui réclament le plus de chaleur, unie à l'humidité, sont rassemblés dans la partie basse, tandis que ceux qui veulent une température modérée, qui se contentent de peu d'humidité et qui aiment l'élévation des terrains, ont pour domaine la partie élevée et accidentée. La distribution est faite dans le genre paysager. Les végétaux sont groupés par genres ou par familles; chaque groupe forme un massif. Cette disposition permet d'atteindre trois résultats à la fois. On aura d'abord une vaste école d'acclimatation permettant de saisir d'un coup d'œil les espèces qui pourront être appliquées aux diverses situations de sols de l'Algérie et dans les contrées circonvoi- sines. On aura ensuite une école de botanique, et des plus intéressantes, en ce sens (]ue l'on verra des végétaux rares dans un état complet de développement qui ne se rencontre nulle part en Europe. Si les genres et les familles ne se suivent pas toujours sur le terrain, d'après un ordre méthodique de classification, à cause de la nécessité de donner avant tout, aux espèces, les conditions naturelles qui leur sont lé mieux appropriées, on pourra un peu plus tard, lorsque cette œuvre sera plus avancée, rédiger un ouvrage servant de guide, et où se trouvera une classificatioh ria'tiirelle par espèces, genres et familles, avec des renvois aux groupes plantés. Enfin, on aura une promenade chartîlahte, au milieu d'un luxe de végétation tout exotique, et qui aura toujours la puissance d'attirer les regards, même les plus indifférents.

Ces plantations, d'après cet ordre, se continueront chaque année, à l'aide des nombreux matériaux déjà réunis dans l'établissement et de ceux qui seront successivement introduits. je vais, aussi succinctement que possible, donner quelques renseignements sur les espèces déjà installées.

1° Partie basse. — Les ptahtalioils dont je vais parler, ont eu deux ans d'installation au mois de mai dernier. Les espèces qui les composent appartiennent toutes aux régions chaudes. Elles. Ont par conséquent déjà subi deux hivers. L'année dernière, il n'a pu êlre installé qu'Un massif, comp'feilàrlt les verbéhacécs.

Le massif qui se présente d'abord à la vue est celui des Palmiers, qui comprend 23 espèces à fetoillëg pennées, et 22 espèces a feuilles palmées, ensemble 44 espèces, qui sont toutes dans un état de végétation satisfaisant.

Dans là première catégorie se voient sik espèces dé Phœnix oti Dattiers, (jùi trouvent ici des conditions parfaitertieiit appropriées à leur nature, parmi lesquels on remarque le Phœnix sylvestris, cultivé avec profil dans l'Inde, pour produire du sucre, et le Phœnix farinifcra, dont le trohc reriferme Une fécule abondante.

Le Jubœaspectabilis, tl. B., du Chili, à une croissahce très- vigoureuse. Son tronc, qui devient conique, pretld des proportidtts considérables à là base. Dans son pays, ce beau palmier donné des fruits alimentaires que l'on porte jusqu'au Pérou. Les noyaux servent à faire des jouets d'enfants.

L'0)-eodoxa régla, \{. fi., originaire de l'île de Cuba, réussit très-bien. Il est de la section1 des Palmiers à tronc conique, qui s'accroissent en diamèlrè. Un exemplaire, planté il y a huit ans dans un autre endroit du jardin, a déjà ce caractère parfaitement accusé. Le tronc mesure Om/t5 de diamètre près du sol, tandis (Ju'il n'est que de 0*,l5 tout au plus à l'endroit de l'insertion des râchis. Sept espèces de Cocos, originaires du Brésil en majeure partie, et de l'Amérique australe, ont une croissance active.

Le Cocos flexuosa, Mart., et le Cocos australis, plantés il y a huit ans dans uo autre compartiment du jardin, donnent des graines fertiles.

Le Ceroxylon andicola, H. B., ou Palmier à cire des Andes de l'Amérique méridionale, se développe un peu moins rapidement, mais les exemplaires qui sont en expérience sont cependant en parfait état.

Trois espèces de Caryoia résistent parfaitement ; le Caryota urens, Linn., se fait même remarquer par sa vigueur et son développement. Ces palmiers, très-intéressants par là struc- ttire de leurs feuilles, sont originaires de l'Inde et donnent plusieurs produits utiles.

L'Arenga saccharifera, Labill., ou Gotnnti, qui est originaire des îles Moluques et de la Chine méridionale, est un des plus grands palmiers ; on l'exploite dans son pays pour en faire du sucre, des boissoris fermentées, des cordes et des nattes avec son fibri/litintn. Les exemplaires qui sont en pleine terre sont dans un état prospère.

Le Diplothcmilnnmaritimtim, Mart., du Brésil, est un petit palmier acaule très-élégant, qui est ici en très-bon état de végétation. Il donne des fleurs, mais jusqii'icl elles h'ont pas été fécondes.

L'espèce qui est la moins florissante, dans cette division de la plantation, est VAreca sapida, Forst., originaire de la Nouvelle-Zélande, qui trouve ici en été une chaleur et une insolation un peu trop fortes; ses plus anciennes feuilles en éprouvent une dessiccation anticipée. Cependant, pendant l'hiver, sa végétation reprend une nouvelle activité.




Dans la division des Palmiers flabelliformes ou à feuilles palmées, on remarque le Corypha gebang, de Java, qui se développe avec une grande vigueur et dont les dimensions sont considérables.

Le Corypha cerifera, Ai nul., ou Copernicia cerifera, du Brésil. Les feuilles de ce palmier donnent une cire végétale dont on tire un excellent parti en Amérique pour l'éclairage. J'ai vu à l'exposition de Londres de superbes bougies préparées avec ce produit.

On y voit huit espèces de Chamœrops, dont les sujets sont dans toute la force de la végétation; telles que : Chamœrops Marliana, Hook., et tomentosa, Fulch., de l'Himalaya; le Chamœrops birrho ?, du Japon, espèce peu connue et fort rare; les Chamœrops hystrix, Fras., elpalrnetto, Mich., de la Floride; enfin le Chamœrops excelsa, Thunb., de la Chine, dont le tronc se couvre d'un abondant fibrillitium avec lequel les Chinois préparent des cordes de navires bien supérieures aux cordes de sparterie, des toiles, des nattes, des sacs, et même des vêtements. Cette espèce a fleuri, mais non encore fructifié. Le Chamœrops tomentosa donne chaque année des semences fertiles.

On remarque encore deux espèces de Brahea, le Brahea dulcis, Mart., notamment, originaire des Andes du Pérou, et dont les fruits sont comestibles. Enfin, cinq espèces de Thrinax, très-élégants palmiers originaires des Antilles, et dont la réussite n'est pas le résultat le moins remarquable.

Les Palmiers, dans leur ensemble, sont considérés, en botanique, comme les princes des végétaux, à cause des nombreux produits utiles qu'ils donnent et de la suprême beauté de leurs formes. On les a toujours considérés comme ayant besoin d'une somme de chaleur plus grande que la plupart des espèces dicotylédonées et comme ne pouvant pas s'éloigner de l'équateur. Ce que je viens de constater semble donner la preuve du contraire. Les Palmiers, pour la plupart, et comme un grand nombre de végétaux dicotylédones, peuvent s'écarter de leur habitat naturel, et remonter, dans certaines limites, vers le nord, sous l'influence des soins de l'homme, bien entendu. L'Algérie peut réunir sur son sol une grande quantité d'espèces de palmiers. Il n'y aura d'exception que pour certaines espèces qui se développent dans des milieux tout à fait particuliers, les espèce? palustres, par exemple,, qui croissent le pied dans l'eau, souvent salée, et reçoivent le soleil presque toujours verticalement : tels sont les nombreuses espèces des bouches de l'Amazone, les Calamus des îles de la Sonde, les Cocos de l'Océanie et des îles Marquises, les Lodoicea et Stephensonia des îles Seychelles et des Maldives.

Le groupe ou le massif des Cycadées se compose des Dion ednle, Bot. Mag., du Mexique; des Ccratozamia du Mexique , des Macrozamia de la Nouvelle - Hollande, des Zamia et Enccphalartos du cap de Bonne-Espérance et de l'Afrique australe, du Cycas revoluta du Japon. Toutes ces espèces sont originaires de régions ayant une certaine analogie avec l'Algérie du littoral, et leur réussite ici pouvait plus que se présumer: on pouvait, à priori, l'indiquer comme certaine. Mais la réussite non moins complète du Cycas circinalis , Lin., originaire des îles Moluques, des Philippines et de la Cochinchine, est un fait aussi remarquable au moins que celui des Caryota et des Thrinax que je citais tout à l'heure, et qui est de nature à faire un peu réfléchir ceux qui prétendent indiquer sûrement, et de prime abord, quels sont les végétaux qui pourront ou ne pourront pas réussir en Algérie. Dans l'état limité de nos connaissances en géographie botanique, et par rapport aux diverses constitutions particulières aux espèces et aussi aux tempéraments individuels des sujets, il n'y a que l'expérience directe qui puisse donner des renseignements exacts.

Le groupe des Musacées comprend diverses espèces de Bananiers, dont quelques-unes sont rares, telles que les Musa discolor, zebrina et ylauca ; à peu prés toutes les espèces de Strelitzia connues, au nombre de huit, dans lesquelles on remarque les Strelitzia augusta et Nicolaï, qui prennent, avec le temps, les proportions d'un arbre. Les IStrclrtzia acànlvs sont remarquables aussi par la disposition de leur inflorescence, qui simule une tête d'oiseau fantastique ornée des plus brillantes couleurs. Les Strelitzia sont originaires des lieux bas et humides de l'Afrique australe. Le Rarenala madagascariensis, Poir., développe son immense éventail au milleii de ce groupe ; son tronc a déjà 50 centimètres de développement, dû sol à la naissance des feuilles. 11 montre, en ce moment, un régime qui promet prochainement des fleurs. C'est un dès arbres les plus curieux qui se puisse voir. On l'a nommé vulgairement Yarbre du voyaycur, parce qu'il a la propriété de conserver limpide l'eau des pluies dans l'aisselle de ses feuilles. Il offre ainsi, au milieu des marais, dont l'eau est souvent corrompue, une eau potable aux voyageurs. Cette propriété, d'abord révélée par Flacourl, a été depuis confirmée par beaucoup de voyageurs, et tout récem- merit encore.

Je ne puis quitter ce groupe sans parier de la floraison et de la fructification, en 1862, du tiusa ensete, Bruce, planté en pleine terre depuis trois ans. Au moment où ce bananier colossal a montré son régime, son tronc mesurait aii-dessus du sol 3 mètres de circonférence sur A mètres de hauteur. Cet énorme fut stipporiail Un bouquet d'une vingtaine de feuilles ayant à métrés de longueur sur un mètre de largeur, avec la nervure médiane d'un rouge foncé. L'inflorescence n'a rien présenté de remarquable que son énorme volume. Toutes les fleurs n'oht pas été fécondes, mais il en est résulté près de huit cents graines qui ont été semées et dont la moitié environ a germé. Ce bananier ne donne pas de fruits comestibles et il ne produit pas de drageons ; il ne se multiplie que par semences. Dans l'Abyssinie, sa patrie, on le cultive dans les champs clos comme plante potagère. On mange le tronc arrivé à un certain degré de développement, comme nous le faisons pour les choux.

Cette espèce est très-rare dans les serres d'Europe, et y est très-recherchée, à cause de la beauté de son port et de son feuillage, et de sa rusticité relative qui lui permet de passer l'hiver dans des serres tempérées et même dans ces grandes constructions que l'on nomme conservatoires ou jardiits d'hiver. C'est l'espèce de Bananier qui se prêtera le mieux à l'ornement des pelouses et des squares ; pendant l'été et dans le midi surtout, on en tirera, sous ce rapport, un délicieux parti, en ayant soin toutefois de l'abriter des vents violents qui lacèrent ses feuilles.

Un groupe de Pandanus a été formé et composé de sept espèces. Dès le premier hiver, trois espèces ont succombé ; deux espèces qui avaient résisté très-bien à l'hiver précédent, ont péri à leur tour durant celui-ci. Deux espèces Se sont maintenues en bon état de conservation, ce sont : le Pandanus ulilis, Bory, de Madagascar, et le Pandanus furcatùs, Roxb., de l'Inde.

Ce n'est pas précisément parce que ces végétaux n'ont pas trouvé ici une température suffisamment élevée qu'ils ont succombé, niais parce que l'humidité occasionnée par les pluies séjourne trop longtemps dans leurs bourgeons, et les fait pourrir.

Les Yucca, au nombre de vingt espèces ou variétés, forment un vaste massif. A côté se montre un autre massif composé de Broméliacées, parmi lesquelles figurent : le Bromclia sceptrnm, Penzl., originaire du Brésil; de Tillandsia, des Pitcairnià, dés Bilberyia, des ^Echmeà, etc., végétaux qui résistent sans abris aux giboulées froides de l'hiver, aussi bien qu'aux ardentes insolations de l'été.

C'est à la suite des espèces que je viens dé citer qu'il convient de parler des résultats encourageants obtenus dans les essais de culture en plein air de l'Ananas (Ananas satiba, Lindb.). Il a manqué peu de chose aux fruits que nous avons obtenus en 1862, pour qu'ils soient trbuvës excellents. C'est l'espèce commune primitive qui a donné ces fruits. La culture perfectionnée dans les serres d'Europe, et les semis que l'on a pu faire, lorsque l'on a rencontré des graines fertiles, ont donné un certain nombre de variétés supérieures, par le goût, l'arôme et la grosseur, à l'espèce type; mais ces variétés ainsi obtenues ont l'inconvénient d'être plus délicates : j'en ai essayé une douzaine, qui toutes ont succombé. Quoi qu'il en soit, nous cultiverons l'Ananas. Une culture appropriée fera donner tout ce qui peut être obtenu de l'espèce commune ; les semis qui pourront être faits auront pour résultat de créer des variétés nouvelles mieux appropriées au climat que celles obtenues ailleurs et transportées ici.

Les Ficus, des régions équatoriales, forment un groupe de trente-huit espèces, parmi lesquelles se trouve un Brosi- mum. Les Ficus des régions chaudes sont à feuillage persistant ; leurs fruits sont rarement comestibles.

Pour les distinguer du Figuier ordinaire, originaire des régions tempérées, dont le feuillage est caduc et les fruits comestibles, M. Gasparrini en a formé un genre à part, sous le nom de Urostigma, tiré du grec, qui veut dire stigmate en queue.

Dans ces Ficus, plusieurs sont bons producteurs de caoutchouc. Parmi eux, se trouve le Ficus cerifera de Sumatra, qui donne un produit nouveau, semblable à la gutta-percha, et qui a été exhibé, pour la première fois, à l'exposition universelle de Paris, en 1855, par M. Bleeckrode, professeur à l'Académie de Delfe, à l'extrême obligeance duquel nous devons la possession de celte précieuse espèce. Ici cet arbre perd ses feuilles sous l'influence des intempéries, mais sa végétation repart avec une nouvelle vigueur, dès que la température s'élève au printemps. Ce Ficus est d'une multiplication difficile, cependant plusieurs boutures ont été obtenues.

Ces Ficus ont presque tous un feuillage très-décoratif, et figureront toujours parmi les ornements les plus imposants de nos jardins.

Un groupe a été établi pour les Bombacées et les Stercu- liacées. On y remarque un Bombax ceiba, Lin., d'un certain développement. Le Ceiba, nommé encore Fromager, est un gros arbre de l'Amérique méridionale ; les graines qu'il donne sont revêtues d'un duvet analogue au coton, mais trop court pour avoir pu jusqu'ici être employé dans l'industrie. L'Erio- theca parviflora, Schott etEndl., originaire du Brésil, qui se couvre, sur le vieux bois, de nombreuses fleurs rouge minium, alors que ses feuilles sont tombées en février; six espèces de Carolinea, Lin., ou Pachira, Aubl., qui sont dans un état prospère, et parmi lesquelles leCarolinea minor a déjà montré deux fois ses fleurs. L'Eriodendron anfractuosum ; le Chirostemonplatanoides, du Mexique ; les Sterculia coccinea et nobilis, etc.

Les Adansonia digitata et sphœrocarpa, ou Baobabs de l'Afrique équatoriale et de Madagascar, n'ont pas eu de succès. Très-vigoureux pendant la saison sèche et chaude, ils pourrissent par le pied pendant la saison humide.

Un dernier groupe, dans cette partie, a été commencé en 1862, c'est celui des Verbénacées. Il comprend déjà cinq espèces de Citharexylon ou Bois de guitare, et le Tectona grandis, Lin., le fameux Teck de l'Inde, qui donne le plus grand et le meilleur bois de construction de ces contrées. Si cette espèce peut s'acclimater ici, ce sera une précieuse acquisition.

2° Partie élevée. — Les végétaux ligneux qui sont installés dans cette partie ne demandent pas des soins d'éducation aussi grands pendant le jeune âge; le plus souvent ils se sèment et s'élèvent en plein air, en ayant l'attention toutefois de les préserver des extrêmes de ventilation et d'insolation, de sécheresse el d'humidité.

On rencontre d'abord un grand groupe composé d'une quarantaine d'espèces d'Acacias de la Nouvelle-Hollande, dont les organes foliacés, pour le plus grand nombre de sujets, sont à l'état de phyllodes, ou feuilles rudimentaires qui se présentent à l'élat de pétioles aplatis, et dont la position est le plus souvent oblique. Ces organes modifiés sont particuliers à un grand nombre de végétaux de l'Australie. Ils ont la propriété, mieux que les feuilles complètes, de résister à l'action continue des vents et aux fluctuations atmosphériques. Les Acacias qui composent ce groupe sont représentés, d'une part, par des arbrisseaux d'agrément, et, d'autre part, par des arbres dont le bois est solide et souvent précieux pour les œuvres d'art.

On voit à côlé un groupe composé de Protéacées. L'habjtat des espèces de cette famille est à peu près limité au cap de Bonne-Espérance, à la Nouvelle-Hollande et aui régions tempérées de l'Amérique du Sud. On n'en rencontre que peu ai}- jeurs. Les espèces les plus remarquables de ce groupe sont : les Stenocarpns de la Nouvelle-Hollande, arbres du plus bel aspect ; les fihopala, originaires (jes Andes de l'Amérique du Sud; le Prête» cynaraidçs, Lin,., originaire du. Cap; le Que- vinia aveflana, Mo|in., du Chili, qui donne une amande comestible d.ans le genre de la noisette:

C'est à celte famille qu'appartient le Qrevillearobusta, ft. Br., arbre d'upe grande taille, d'une croissance rapide, au feuillage d'une extrême élégance, et que l'établissement «l acclimaté et répandu déjà en fjrand nombre dans la colonie et au dehors, .je tiens de M. Wilson que le bois de cet arbre est converti en merrpin et très-emplpyé en Australie pour la construction des tonneaux.

Au-dessus est un grand massif composé de Myrlacées de la Nouvelle-IIo.llaflfle. On y remarque onze espèces de Calliste- mon, des HfetrQsjderos, des Leptqspermum, d,es Tristaiûa, des Hfela(euca, des. /«£n'«al et enfin une quinzaine d'espèces d'Eucalyptu$i parrnj lesquels s.ont huit Eucalyptus globulus, Labill., pjanlés aq mqis d'avril 18152, ayant de Om,30 à Om,6Q de hauteur. En ce moment, $eu* de ces arbres ont 5 mètres de haut, cl le plus petit a 2 mètres passés. Les Eucalyptus, et la plupart des espèces qui peupleqt ce groupe, offriront de précieuses resspurces ppur le reboisement des terrains qui ne seront ni trop secs, ni trop humides, la base des montagnes, par exemple.

L'école complète des Conifères des régions tempérées, qui doit être établie dans cette partie et qui doit avoir une haute inipqrlqnce pour le reboisement des terrains déclives, en Algérie, a été commencée par les espèces les plus rares et par celles-là même qui offrent le pjus d'intérêt par leurs grandes dimensions.

En première ligne se, présentent les, Araucaria. J'ai profité de mon voyage en Angleterre pour préparer l'acquisition d/MH certain nombre à7Araucaria de semis, qui donnent la chance d'avoir Jes deux sexes dans chaque espèce de ces végétaux, et .de pouvoir arriver ajnsi à récolter des graines fertiles. Nous possédpns déjà quelques beaux exemplaires de l'Araucaria excel$a, dont un n'a pas moins de 26 mètres de haut, portant, depuis cinq à six ans, des cônes femelles, qui ne peuvent être fécppdés et qqi tombent sans donner de graines.

J'ai donc pu installer à l'automne dernier, dans cette partie déclive, 11 Araucaria excejsa, B- Br., de l'île de Norfolk; (5 Araucaria Cookii, R. Br., de |a Nouvelle-Calédonie ; 12 Araucaria Bidivillii, Hpok., originaires de Moreton-Lay (Australie) ; 6 Araucaria Çui^inghami, Ait., de Moreton-bay, et 71 Araucaria brqsilien$isl Ach. Bich., originaires des montagnes du Brésil et provenant d,e nos semis. Nous avqns déjà quelques beaux exemplaires de celte espèce, dont un a donné des fleurs mâles l'anpée dernière, majs à un moment qui n'a pas coïncidé avec l'apparition des cônes femelles de l'Araucaria excelsa, et qqj n'a pas permis f}'Pn essayer la fécondation artificielle.

Il existe à la pépinière du gouvernement, à Philippeville, une belle ligne de ces Araucarias du Brésil, dont plusieurs ont donné des graines fertiles l'année (jerpière. Voici l'origine de ces sujets. En 1849, les pépinières d.e Trianorç pqssédaiept un grand nombre de jeunes plants de pelle espèce. 11 en fut fait dop pour nos établissements. La répartition ep a été fajje par mes soins entre les diverses pépjpières de l'Algérie, mais ils ne réussirent qu'à la pépinière de Ph,j|jppeviUe et au jardin d'acclimatation, ce qui ne Yeul Pa5 dire cependant qu'ils ne puissent venir que dans ces deux IpcalHps.

Quant à {'Araucaria irnbricata, Pav., originaire du Chili, j'ai i;ni plusieurs tentatives pour sop acc)imatatiQp, qui sppt cjemeurées saps succès. Quelle que soi), l'expqsitjon que je lui aie dpnpée, il n'a pp résister à nos chaleurs d'été.

A côté des Araucarias QPt été p|apté6s cinq espèces de Dammara. Les Dammara sont de très-grands arbres résineux, au Irqpc droit et élapcé, aux lu anches étagées, aux feuilles grandes, épajsses et coriaces, par oppositiqp aux feuilles auiculaires des Pins. Ils sont originaires des îles Moluques, de la Nouvelle-Zélande, de la Nouvelle-Calédonie, el probablement de quelques autres points de l'Océanie. Le bois de ces arbres est d'une qualité égale, sinon supérieure, à celle du Pin de Riga. Il est susceptible d'un beau poli. Les Dammara, à certaines époques de l'année, laissent fluer une résine très- abondante, qui devient cassante, qui aune odeur aromatique et est propre à la préparation d'excellents vernis. L'industrie l'emploie de plus en plus, et elle est connue, dans le commerce , sous les noms de gomme dammara et de gomme kauri. On rapporte que la résine qui s'échappe de ces arbres naturellement est tellement abondante, qu'elle couvre le sol sur de grandes étendues et sur une grande épaisseur, à tel point [que le célèbre navigateur Cook et ses compagnons crurent d'abord à des coulées de lave échappées de volcans. L'acclimatation de ces précieux arbres ici peut être considérée comme infiniment probable, sinon tout à fait certaine, et ce serait une très-précieuse acquisition pour nos cultures forestières.

Dans ce même groupe sont disséminés des Taxus, Cepha- lotaxus, Dacrydium, Torreya et des Podocarpus. Les Podo- carpus sont des arbres conifères très-intéressants, dont la dimension varie de 10 à 30 mètres d'élévation, selon les espèces, dont le bois est dur, et qui sont originaires principalement du cap de Bonne-Espérance, de l'Inde, de la Chine, du Japon et de l'Australie.

Un autre groupe attenant a été composé de Pins à longues feuilles, originaires du Népaul, du Mexique, de la Californie et des Canaries. Déjà une plantation de Pins de cette dernière origine, qui remonte à huit ans, commence à donner des cônes renfermant des graines fertiles. Un autre groupe est composé de sept espèces de Castiarina, arbres d'un grand intérêt à plus d'un titre. La saison prochaine, ces plantations de conifères seront étendues et complétées par les espèces qui n'y figurent pas encore.

Sous le premier lacet de la grande allée, a été plantée une nouvelle école d'arbres fruitiers à feuilles caduques, pour remplacer celle qui était installée dans le bas et dont les sujets sont complètement épuisés. Cette plantation se compose des meilleures variétés de Poiriers, de Pommiers, Pêchers, Abricotiers, etc., que l'expérience nous a démontré réussir le mieux ici.

Je ne terminerai pas cette notice sur nos plus récents essais d'acclimatation sans dire quelques mots du Bambou.

Le Bambou, dans ses diverses espèces et variétés, joue un grand rôle dans l'économie domestique des Asiatiques. On en compte plus de quatre-vingts applications diverses. Devant la belle venue de ceux du jardin d'acclimatation, où l'on voit des jets ou chaumes de 45 centimètres de circonférence à la base et de 18 à 20 métrés de hauteur, on peut se convaincre que ce végétal est appelé à rendre de nombreux services en Algérie, où malheureusement le bois de construction est rare, ou du moins peu à la portée des cultivateurs, qui sont obligés d'acbeler dans les ports les bois qui viennent de Trieste et de Russie. Les gros jets de Bambou peuvent servir à beaucoup de constructions rurales, telles que hangars, séchoirs, bergeries, à des clôtures, etc.

L'attention ne paraît pas encore avoir été suffisamment éveillée sur les avantages de ce précieux végétal, et les plan- talions de cette espèce n'ont pas fait jusqu'ici beaucoup de progrès. Cependant certaines dépouilles du Bambou ont été recueillies à terre, flans l'établissement, par les promeneurs, et l'on en a composé des objets de fantaisie qui ont pris la plus grande faveur. On a laissé commettre ces innocents larcins sans y apporter d'obstacles, imitant à peu prés la manière dont s'y prit Parmenlier pour vulgariser la Pomme de terre.

Le bourgeon du Bambou, en naissant, est enveloppé par des espèces d'écaillés que l'on nomme, en botanique, des ligules.

Lorsque le bourgeon est développé, ces ligules, qui accompagnent chaque nœud, se détachent cl tombent à terre. Elles ont une forme trapézoïde; leur surface intérieure est lisse et comme vernissée, tandis que la surface extérieure est rugueuse et souvent revêtue de poils courts et caducs. La

T. X. — Novembre 1863. 44

dimension de ces organes est de Q'",35 à CP,40 de hauteur, sur Om,30 à.0w,35 de largeur à la base.

L'industrie fantaisiste s'est emparée de ces productions, et en'3 fait divers objets de salon, tels qu'éventails, écrans, boîtes, etc., décorés et ornés au moyen de la décalcomanie, qui sont devenus tout à coup à la mode, sont très-recherchés et très-demandes. On en a expédié partout, et plus d'un industriel a fait sa petite récolte productive sous l'allure du promeneur amateur des produits exotiques.

Il pourrait très-bien se faire que celle application toute futile contribuât beaucoup plus à populariser le Bambou que la considération de ce qu'il peut avoir de sérieusement utile. Souvent plusieurs voies s'offreqt pour répandre et vulgariser un végétal ; il est presque toujours prudent et convenable de n'en négliger aucune.

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